Notre chroniqueur rappelle au président
français sa promesse faite à la tribune des Nations unies, en septembre,
de « parler pour ceux qu’on n’entend pas ».
Tikpi Atchadam. Voilà le nom de celui qui
redonne de l’espoir au peuple togolais écrasé par cinquante années du
règne d’une dynastie, les Gnassingbé père et fils. Depuis cinq
décennies, le Togo
est dirigé par le père, Eyadéma (1967-2005) puis le fils, Faure, depuis
2005. Les élections organisées dans ce pays relèvent plus de la farce
électorale que d’une consultation du peuple, la dernière élection
présidentielle en 2015 officiellement remportée par le président
sortant, Faure Gnassingbé illustre à elle seule la mascarade : les
résultats sont proclamés alors que le dépouillement est effectué à 40 %.
Qu’à cela ne tienne, la communauté internationale, France en tête, félicite le vainqueur. Circulez, y a rien à voir.
Mais, depuis le mois d’août, le Parti national Panafricain (PNP) de
Tikpi Atchadam a réveillé l’opposition lors de manifestations violemment
réprimées provoquant la mort de plusieurs personnes (le bilan demeure
contesté, il y a eu au moins deux morts). Depuis lors, l’opposition
réunifiée manifeste dans tout le pays pour demander
le retour à la Constitution de 1992, qui limite notamment le nombre de
mandats présidentiels à deux, et le départ du président Faure
Gnassingbé.
Déclic psychologique
![](https://1.bp.blogspot.com/-pbjQJPr_Kzk/Weis2T-xxpI/AAAAAAAAAGk/EYdHt19uDP4vZrskk258xO-o_u1mqqIrwCEwYBhgL/s320/2ff13ba_6087-dztmup.xahrveipb9.jpg)
Il
s’est produit un déclic psychologique comparable à celui que les
Burkinabés ont connu avec les mutineries de 2011. Le pouvoir de Blaise
Compaoré montrait soudainement toute sa fragilité et le chasser devenait
enfin envisageable. Depuis les manifestations d’août, les Togolais eux
aussi envisagent le départ de Faure Gnassingbé.
Emmuré
dans sa tour d’ivoire, le président, conseillé par des courtisans qui
ne veulent pas perdre leur position de prédateurs, n’entend rien. Le
peuple exige son départ et quelle est sa réponse ? « Je vous ai
entendu, je vous propose une réforme constitutionnelle qui vous
garantira deux mandats supplémentaires de la dynastie Gnassingbé. »
Car c’est bien de cela dont il s’agit. Il propose la limitation à deux mandats présidentiels… mais seulement à partir de la prochaine élection ! Les députés de l’opposition ont rejeté, le 19 septembre, cette proposition au Parlement qui n’est rien d’autre qu’une provocation, voire une insulte. Cet échec doit donc théoriquement donné lieu à une consultation.
Car c’est bien de cela dont il s’agit. Il propose la limitation à deux mandats présidentiels… mais seulement à partir de la prochaine élection ! Les députés de l’opposition ont rejeté, le 19 septembre, cette proposition au Parlement qui n’est rien d’autre qu’une provocation, voire une insulte. Cet échec doit donc théoriquement donné lieu à une consultation.
Le pire, c’est que la Communauté économique des Etats d’Afrique
de l’Ouest (Cédéao) soutient cette idée de référendum. Quant au Quai
d’Orsay, son porte-parole déclarait une semaine plus tôt : « La France appelle à un esprit de responsabilité et de consensus pour mettre
en œuvre la révision constitutionnelle dont le principe est agréé tant
par le gouvernement que par l’opposition, en cohérence avec l’accord politique global de 2006. »
Par : Par Laurent Bigot (chroniqueur Le Monde Afrique)
« Réconcilier les Togolais… »
Est-ce la réponse qu’attend un peuple exaspéré par cinquante ans de dictature ? De quel côté se situent la Cédéao et la France ? Pas du côté du peuple, assurément. Déjà, en octobre 2016, Manuel Valls, premier ministre, ne tarissait pas d’éloges pour le régime togolais lors de son déplacement à Lomé : « Monsieur le Président, vous faites avancer ce pays avec patience, avec détermination (…) Vous avez eu à cœur, et c’est comme ça que l’on reconnaît les grands dirigeants, de favoriser la réconciliation des Togolais entre eux et avec leur peuple [sic] ».
Tout comme le député socialiste François Loncle, qui a signé dans les colonnes de Jeune Afrique, en décembre 2016, ce morceau de propagande pure et simple : « Le
président Faure est conscient des problèmes auxquels son pays est
confronté. Il a compris les aspirations du peuple togolais. Il mène une
dynamique politique de développement qui vise à relever les grands défis
(…) auxquels le Togo doit faire face. Sous sa direction le Togo évolue
dans le bon sens. » La question que je pose à notre ancien
premier ministre et à cet ancien député : pourquoi se livrer à de tels
exercices de griots ? Je ne suis pas convaincu que ce soit la meilleure
des manières pour promouvoir l’influence française.
Et le président Macron, qu’en pense-t-il ?
Bonne question. Je n’ai rien lu de lui sur le sujet alors je me réfère à
son discours à la tribune des Nations unies de septembre, lors de
l’Assemblée générale. Il y déclarait (ou déclamait plutôt) ceci : « Si
mon pays aujourd’hui possède, dans l’ordre des Nations, cette place un
peu singulière, cela lui confère une dette, une dette à l’égard de tous
ceux qu’on a privés de leur voix. Et je sais que le devoir de la France est de parler
pour ceux qu’on n’entend pas. Car parler pour eux, c’est aussi parler
pour nous, aujourd’hui ou demain. Et en ce jour, ce sont ces voix
oubliées que je veux porter. » Monsieur le Président, le peuple
togolais sera encore dans la rue cette semaine. Il vous offre une
formidable occasion de passer des paroles aux actes. Portez donc sa voix oubliée !
Par : Par Laurent Bigot (chroniqueur Le Monde Afrique)
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